Andres Serrano, artiste d’origine hondurienne et afro-cubaine né à New-York, livre un portrait de l’Amérique que son objectif incisif traque au quotidien. En dix chapitres et 99 œuvres, le parcours de l’exposition organisée au Musée Maillol traverse sa carrière depuis la fin des années 80 jusqu’à aujourd’hui, non sur le mode d’une rétrospective chronologique, mais bien en explorant les différentes facettes de son œuvre en lien direct avec la société américaine. Plus qu’un simple témoignage photographique, ses « séries » constituent une œuvre multiple qui convoque la pauvreté, la mort, la violence, le sexe, le racisme et la religion, dans une approche artistique proche de la peinture par la puissance de la couleur et par les formats utilisés.
L’artiste revendique son identité américaine, même si son ascendance hispanique le situe d’emblée à la marge d’un système dont il se veut le produit intégré tout en en dénonçant le conformisme. Honni par les milieux ultra-conservateurs, il a été avec le Piss Christ, crucifix immergé et théâtralisé dans un mélange incandescent de sang et d’urine (jugé blasphématoire quand bien même l’artiste se dit catholique) au cœur d’une des plus grandes controverses liées à l’art aux USA. Il est regrettable que sa réputation s’arrête souvent à cette polémique, lui qui reste en-dehors de tout tension médiatique, qui ne porte pas de jugement et qui ne prend pas parti. L’impact de ses images constitue une fin en soi indépendamment de ce que l’image donne à voir.
L’œuvre multiple, déclinée en séries, Torture (2015), Residents of New-York (1990), Nomads (1990), The Klan (1990), Bodily Fluids (1990), ou The Immersions (1987-1990), dérange. Elle dénonce par la seule force de l’image l’hypocrisie sociale et les traditions encore vivaces dans la société américaine.
Les séries s’articulent, s’opposent et se complètent. Native Americans introduit Nomads, qui explore la marginalité des laissés-pour-compte du rêve américain. Serrano leur donne un visage, un nom, une dignité. Jamais la photo n’est prise au dépourvu, tous sont payés pour poser, ou pour céder les « fragments de leur vie » écrits sur des bouts de carton, et assemblés dans la série Residents of New-York.
Autre facettedel’exclusion, celle exercée par les suprémacistes blancs du KKK. Dans The Klan, la capuche blanche et agressivement pointue, sur fond noir profond, suffit à déclencher le rejet de l’individu masqué. Même simplicité formelle pour le Colt, outil de mort esthétisé en « objet de désir » pointé sur le spectateur.
L’artiste s’est intéressé à différents objets « anodins », commercialisés sur des plates-formes marchandes, et les a mis en scène dans Infamous :une poupée noire avec une bouche disproportionnée et une coiffure rasta voisine avec une carte postale montrant un homme de couleur, nu, lynché. Stéréotypes, aveuglement et indifférence. The Morgue (1992), en une image esthétisée de la mort, rend compte, dans sa troublante représentation, du seul domaine égalitaire…
Le drapeau, élément symbolique essentiel, est convoqué dans plusieurs séries. Dans la dernière version, Blood on the Flag, le symbole de la nation est ensanglanté… Sans doute un témoignage de l’état de choc qui a frappé l’Amérique en 2001 au-delà de ses divergences et différences.
Afin d’accompagner le visiteur, un audioguide a été réalisé avec le concours d’Andres Serrano. Il commente les thématiques qui inspirent son travail et décryptent les enjeux qui déchirent l’Amérique dans l’attente de l’élection de son 47ème président.
Andres Serrano est représenté par la Galerie Nathalie Obadia, à Paris et Bruxelles.
Jusqu’au 20 octobre 2024 Musée Maillol – Paris 7ème
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