Oubli des lieux installés, fabriqués, assurés, rassurants, froids, branchés, et trop ou trop peu fréquentés… Que l’abbaye d’Auberive, à l’ombre d’un modeste département, la Haute-Marne, soit l’une des plus accomplies de France, et mérite, parmi d’autres sites grandioses, une grande visite, le choc véritable est ailleurs.
Quelque chose de grand existe là. Auberive est plus qu’un haut lieu d’art. L’art le plus âpre, le plus dur et le plus troublant a trouvé sa demeure, par la grâce d’une sublime demeure et par la généreuse puissance d’une volonté incarnée.
D’abord une formidable trilogie serbe, enfin réunie, avec les poids lourds que sont Dado, Ljuba et Vladimir Velickovic. Dado est un barbare subtil, un sauvage raffiné, un monstre à démonstrations suffocantes, empoisonnées, insidieuses et délicieuses. Il écrabouille ses névroses personnelles – un tantinet scabreuses – pour en faire un jus déplorable et fascinant, comme un poison à déguster lentement, entre deux couleurs de base qui s’épandent comme du fiel, ou comme un filtre à réalité endommagée.
Sur les parois profondes de la préhistoire de l’être se déploie l’art sacrificiel de Velickovic, là où l’indicible creuse l’impossible, au bord impensable du souterrain humain. La nuit veille.
Il y a aussi l’immense Eugène Leroy ! Chacune de ses peintures, marquée d’abstraction sensuelle, déborde de présence vitale. Une effusion pâteuse et tressaillante, écrasée du dedans, magma de terre charnelle et de chaos diffus, sourd du profond de la toile, où s’engloutissent les apparences.
Et sept fortes et âpres surprises venues du monde entier, de Satish Multhalli à Margaux Salmi, ou de Sam Le Rol à Marion Heilmann, récemment disparue. Installée depuis vingt ans dans un village de Haute-Marne, Marion Heilmann a bâti dans une absolue discrétion une œuvre forte, spontanée et savante, et autant reliée à William Blake qu’à l’art brut. Son espace est une merveille d’ouverture esthétique, et d’implacable maîtrise. Cette artiste, à elle seule, mérite le déplacement. Formidable surprise.
Chaque œuvre présentée à Auberive – dont le fonds prodigieux a été montré à la Halle Saint-Pierre, à Paris, et récemment en Autriche – est lourde du poids immense d’une singularité fouillée jusqu’à l’os.
A découvrir jusqu’au 27 septembre 2020 Centre d’Art Contemporain de l’Abbaye d’Auberive – Auberive (52)
Résumé de la politique de confidentialité
Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Cookies strictement nécessaires
Cette option doit être activée à tout moment afin que nous puissions enregistrer vos préférences pour les réglages de cookie.
Si vous désactivez ce cookie, nous ne pourrons pas enregistrer vos préférences. Cela signifie que chaque fois que vous visitez ce site, vous devrez activer ou désactiver à nouveau les cookies.