« Sursaut »
Shahabuddin est aujourd’hui l’un des très grands maîtres de l’expressionnisme contemporain. Il est né à la moitié du siècle au centre du Bangladesh, à Dhâkâ, la ville aux 700 mosquées et aux 300 000 rickshaws. Né Bengali, il a combattu en héros pour arracher sa patrie à la domination pakistanaise. Le corps qu’il peint, né de tout pays d’âme, troue l’abîme et s’arrache au néant, arc tendu de vive énergie, de forces brutes hallucinées, à la lisière de l’explosion : « Il y a blessure dans ma création. Le sang, ça reste. Toutes les souffrances du monde prennent racine dans la tête, souvent explosée. Mes personnages sont peints dramatisés, même si je peins quasiment de manière automatique. Le personnage doit sortir de la toile. L’énergie de ma peinture vient des profondeurs du peuple. Aujourd’hui encore, les gens de mon pays attendent quelque chose de moi. Peut-être que je les réveille… Je n’abandonne jamais. »
Les athlètes brûlants et silencieux de Shahabuddin courent au-devant de leurs bourreaux. Ils ne savent plus fuir. Ils sacrent d’emblée leur autodestruction. Ainsi naît cette peinture surgissante, entre vie brève et folle santé. Elle vit de la destruction des images consacrées qui fabriquent les apparences, et congèlent les profondeurs. Bourreau des apparences, Shahabuddin est un guerrier fragile, un tueur de vaines surfaces. Sa cruauté combat l’horreur infinie de ne jamais pouvoir en finir avec l’obscénité de l’horreur. La terrible puissance d’impact de ses œuvres est à hauteur de l’impuissance inouïe de l’humaine condition, quand la vie cède au moindre fil fatal.
“Sursaut“, tel est le titre de la belle exposition de la Galerie Brûlée, fondée en 1993 à Strasbourg. Le sursaut, involontaire et brutal, signe la fragilité humaine et sa pure émotivité instinctive. Les œuvres montrées ici sont récentes, toujours aussi vives, effervescentes et implacables.
Ahmed Shahabuddin, l’un des forts artistes de notre temps.
Jusqu’au 22 novembre 2025
Galerie Brûlée – Strasbourg (67)