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NAKACHE & BARJOL

NAKACHE & BARJOL

Du 5 juillet 2014 au 7 septembre 2014

À retrouver à GALERIE MARTAGON
47 grand rue - 84340 MALAUCENE -
FRANCE

www.galeriemartagon.com
+33 (0)4 90 65 28 05

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NAKACHE & BARJOL

GALERIE MARTAGON

GALERIE MARTAGON

Du 5 juillet au 7 septembre 2014

MALAUCENE (84)

 

 

Frédéric NAKACHE : “le fil du rasoir”

La photographie contemporaine est marquée par trois orientations principales. La plus courante est celle de la photographie documentaire qui porte un regard critique ou non sur la réalité. La photographie narrative se rapproche plus du cinéma et du journal intime. La troisième orientation sʼinscrit dans la tradition picturale et donne à voir des “tableaux”.

Mon travail se situe à la croisée de ces trois grands axes. Jʼassemble des morceaux du monde matériel, des éléments personnels ainsi que de lʼhistoire de lʼart et de la photographie. Avec ces fragments, je construis une narration particulière, qui nʼest autre que lʼexploration de ma propre expérience de la réalité. Cette conception éclatée et protéiforme de lʼimage ouvre un large champ dʼinterprétations et de lectures au regardeur. La photographie sʼest donc imposée à moi comme une évidence. En effet, la pertinence de ce médium me permet de traiter les problématiques qui me sont chères. Pour moi, la photographie est à la fois un outil pour interroger le monde matériel, la mémoire humaine et explorer des thèmes tels que la violence, lʼamour, le désir, la monstruosité, la nature humaine et ses paradoxes.

Mes photographies et mes vidéos sont le fruit dʼune longue maturation à lʼatelier. Travailler ainsi me permet de tendre progressivement mes compositions, de jouer avec la lumière et de faire évoluer mes problématiques. Jʼessaie dʼaller à lʼessentiel, de ne laisser que les éléments nécessaires et de les articuler pour essayer de faire une image la plus juste possible en fonction de ce que je veux développer. Le fait de laisser mûrir une oeuvre permet aussi de voir si elle a suffisamment de force et dʼautonomie pour durer dans le temps. En dernier lieu, se pose la question du format. Je préfère choisir le format qui convient le plus à mon sujet. Cʼest pour cela que lʼon peut trouver dans mon travail des photos qui font 220×170 cm et dʼautres qui ne font que 10×10 cm.

En ce qui concerne mes vidéos, plastiquement, elles sʼapprochent de plus en plus de photographies à peine animées soit par la respiration de la personne filmée soit par de légères variations de lumière, etc. Je cherche une sorte de degrés zéro de la vidéo qui répondrait au principe de la photographie sans la dimension mortifère de lʼimage fixe.

Par ailleurs, jʼai aussi une pratique de la sculpture qui nʼest pas à proprement parler de la sculpture classique. Par exemple, “Noos” et “Bang Bang” sont des structures dʼéléments gonflables. Depuis 2010, jʼai commencé un ensemble de sculptures intitulé “Compositions”. Chaque sculpture est constituée de lʼassemblage de différents objets qui mʼont servi dans des photographies ou des vidéos. Ainsi de nouveaux liens sémantiques se créent entre les différents pans de mon travail.

Frédéric Nakache

 

 

Michel BARJOL : “Que faisiez vous au temps chaud”

 

Paysages dépaysés

L’artiste affiche son projet de façon apparemment anodine: “Paysages choisis”, mais au contact de l’oeuvre la formule se révèle subversive. Qui dit choix dit ici réappropriation radicale ! Pourquoi opérer un tel dépaysement de son propre pays, si ce n’est le prix de sa liberté ? Car il ne s’agit pas de se soumettre au despotisme des lieux, de les “représenter” servilement, mais de s’en affranchir pour les reconstruire dans un espace différent, reconfiguré et transfiguré.

D’abord ruser avec ce terroir si souvent caricaturé, en le soumettant à une vue aérienne : imposer une verticalité pour libérer le paysage de ses pesanteurs chtoniennes et de ses clichés touristiques. Pour effectuer cette ascèse, il s’agit de prendre de la hauteur, de se donner de l’air, de désenclaver le paysage : l’outil technologique de Google Earth offre ici une nouvelle clé. Mais ce n’est encore qu’une étape transitoire, car l’espace recréé est loin d’être abstrait. Au contraire, le paysage épuré est résolument remodelé, réaménagé, réhabité, tout en gagnant en universalité. Un pays n’est pas fait que de limites, de contours, de “coins”, mais de passages, d’ouvertures, d’horizons…

La disjonction de l’espace plastique vis-à-vis des lieux permet de rédimer leur finitude. N’est-ce pas la racine même du mot espace (en grec, spaô) que de signifier “tirer hors de, extraire, étirer au point de déchirer” ? La technique artistique opère ici sur le topos familier un travail d’extension pugnace, de fragmentation, pour se placer résolument dans l’Ouverti. Soumis à une dislocation salutaire, le paysage est littéralement sculpté et rebâti par l’artiste : il fait alors apparaître des sillons, des tracés, des dénivelés, des lignes de crêtes, des écartements, des intervalles, des passages insoupçonnés, des issues esquissées, des tronçons qui s’ébauchent et se chevauchent, d’invisibles correspondances … On peut penser aux “chemins qui ne mènent nulle part” du philosophe rustiqueii, mais ici il ne s’agit plus simplement de chemins recouverts d’herbes qui s’arrêtent en lisière de forêts, comme au bout du monde : plutôt des perspectives ouvertes par une exigence artistique tenace, imposant du haut de l’atelier les lois de son imaginaire. L’artiste devient alors le paysagiste d’espaces u-topiques, d’émancipation vis-à-vis du locus originel.

Mais le dépaysement est aussi intérieur et initiatique. D’anamorphoses en métamorphoses, la multiplication des points de vues incite à une expérience, au sens étymologique du terme : une traversée périlleuse au bout de laquelle s’ouvrent de nouveaux accès au regard. A l’encontre de ceux qui souffrent malheureusement de la “cécité à l’aspect”, il incite au “seeing as”iii, au “voir autrement” ce qui nous semble le plus familier, à accéder à une “mentalité élargie”. Plus que des chemins, il s’agit de se prêter à un cheminement personnel : se distancier de ses habitudes pour mieux s’approfondir soi-même, par un déplacement intime, peut-être même un arrachement à ses racines.

L’oeuvre offerte ici confirme que la démarche artistique ne vaut que pour nous sortir des sentiers battus et, en ce sens, Michel Barjol est bien plus qu’un paysagiste… Nulle mise en scène d’un donné trop bien reconnaissable, mais plutôt sa fracturation pour en libérer les possibles enfouis et transformer ainsi les chemins des paysans en autant de cheminements dépaysants.

Alain Cambier, Lille, août 2013

 

i Cf. Rainer Maria Rilke, 8ème élégie de Duino.

ii Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part: “Dans la forêt, il y a des chemins qui, le plus souvent, se perdent soudain, recouverts d’herbes, dans le non-frayé”.

iii Cf. Wittgenstein, Recherches philosophiques, XI.

 

 

 

 

Oeuvres

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